Interview de Joël Crotté, Conseiller Municipale Vert de Bourges, dans l'Agitateur « Sortir le mouvement Vert de l’adolescence » : entretien avec Joël Crotté samedi 9 juin 2007 à 23:13, par bo

Interview de Joël Crotté, Conseiller Municipale Vert de Bourges,
dans l'Agitateur


« Sortir le mouvement Vert de l’adolescence » : entretien avec Joël Crotté samedi 9 juin 2007 à 23:13, par bombix



Fondateur historique des « Verts » dans la région Centre, et candidat aux législatives dans la troisième circonscription du Cher dimanche prochain [élection législative de juin 2007], Joël Crotté nous a reçu chez lui, dans sa petite maison au milieu des marais de Bourges. Dans le jardin, entourés de l’épaisse végétation qui s’épanouit dans ce milieu humide, parmi les fleurs qui embaument l’air du soir, nous évoquons l’épopée des Verts depuis 1977 et le sens de cet engagement politique aujourd’hui.

Il y a un paradoxe, sur lequel je souhaite faire s’exprimer Joël Crotté : jamais les thèmes de l’environnement et de l’écologie n’ont été si présents à l’esprit de nos concitoyens, jamais les politiques n’ont autant flirté avec les thèses et les problèmes débattus chez les écologistes, et pourtant les Verts n’ont pas récolté les fruits politiques de cette prise de conscience.
Dominique Voynet a fait une très mauvaise performance à la présidentielle, bien en-deçà des scores et de l’impact créés par la candidature de Noël Mamère en 2002.

Certes le vote utile a joué. Mais il demeure que les Verts stagnent, et qu’ils ont du mal à faire entendre leur voix. « Nous ne sommes pas sortis de l’adolescence » exprime avec un peu de regrets dans la voix le « vieux militant ».

Sortir de l’adolescence, qu’est-ce que cela signifie et qu’est-ce que cela implique ? Sans doute, d’abord, améliorer la communication des écologistes, et recentrer leur discours sur des choses concrètes. Mais aussi dépasser les problèmes d’ego des vedettes en lutte pour le leadership du mouvement. Enfin, inventer de nouvelles formes de l’action politique, de façon à mieux impliquer la population dans les problèmes qui la concernent. Cela passe donc par une réinvention de la démocratie, pour la revivifier.

Il y a urgence : la planète va mal, et également nombre de gens qui y vivent et y travaillent.



L’écologie, une épopée de 30 ans

Quel regard jeter sur l’aventure des Verts, nés au milieu des années soixante-dix, dans la mouvance alternative issue de mai 68 ?


Pour Joël Crotté, sa caractéristique frappante c'est, en premier lieu, l’hétérogénéité des militants et de leurs motivations. Bien sûr, tous étaient et demeurent préoccupés par les atteintes graves au milieu naturel créées par le développement des sociétés industrielles, par ce que l’on nomme les « problèmes de l’environnement ». Mais ce souci a été et continue d’être thématisé par des sensibilités politiques très diverses. Au final, le « mouvement écologiste a toujours été traversé par des courants antagonistes forts ». Comment réunir « les purs environnementalistes », préoccupés essentiellement par la nature, et les « politiques » préoccupés d’abord par les gens qui y vivent ? Comment faire travailler ensemble des « gens de gauche, voire d’extrême-gauche ou libertaires », et ceux qui « prenaient appui sur l’écologie pour mener une carrière politique, qui souhaitaient gérer et être aux affaires ? ».

L’histoire des Verts, c’est d’abord cette tentative de créer un mouvement pour faire travailler ensemble des gens très différents.

À cela, il faut ajouter le caractère technique, spécialisé, des problématiques qu’ils affrontent et qu’il n’est pas toujours facile de faire passer du côté du grand public. Les écolos pâtissent de leur intellectualisme, de leur déficience de communication à l’égard de l’opinion publique. Joël insiste là-dessus : « Nous devons être plus concrets, proposer des solutions compréhensibles et de bon sens. » Problèmes de communication, problème structurel d’organisation du mouvement, « entrisme » d’individus qui ont essayé de prendre appui sur les Verts pour faire des carrières personnelles, les Verts ont certainement souffert également du vedettariat de certaines de leurs figures de proue.

[Réaction dans le contexte de juin 2007 et les scores des Verts]
Évoquant Daniel Cohn-Bendit, Joël soupire : « Dany il est sympa, mais Dany, il est ingérable. J’ai fait les européennes avec Dany, du jour au lendemain il te fait exploser des agendas ... Pour l’anecdote : il arrive aux journées d’été des Verts avec deux heures d’avance sur l’agenda ... On avait calé une interview ... Bon, il est arrivé ... Il y avait deux trois journalistes photographes qui étaient là, il a démarré tout seul, en affirmant les choses. Il est parti seul, il est pas parti avec les Verts ! Ça fait partie des choses. Il m’a aussi planté deux fois à l’occasion du Printemps de Bourges... » ... « Oui on a un peu tout ça chez les Verts, et le projet on a du mal à le faire passer... Cohn-Bendit ... Cochet ... Voynet ... Mamère ! On aimerait bien les mettre dans un shaker et avoir quelqu’un qui résulte de ces quatre personnages pour porter notre projet... » ... Rires ...








Regard actuel sur l'évolution du mouvement écologiste et Europe Écologie, 2 septembre 2009.

Europe Écologie est un rassemblement politique créé en 2008 par Daniel Cohn-Bendit et des militants écologiques (Jean Paul Besset, Yannick Jadot...) appartenant à des partis politiques comme notamment Les Verts et la Fédération Régions et Peuples solidaires, des membres d’associations comme José Bové(Confédération Paysanne) et Yannick Jadot cGreenpeace), et des personnalités comme Éva Joly. Il vise, à « présenter un « green deal », réponse globale à « l’urgence » de la situation »[1] mais surtout à présenter des listes aux élections européennes du 7 juin 2009.

[Souce Wikipédia]

 

Europe Écologie a permis le rassemblement des voix de l'écologie, dépassant les querelles d'hier sur le leadership et la représentation médiatique et donnant naissance à un projet ambitieux et rassembleur, compréhensible et audacieux porté par les têtes de liste aux élections européennes, avec la secrétaire nationale des verts Cécile Duflot comme porte parole.

 

Le score d'Europe Écologie (plus de 16,% en national) et dans les euro régions loin d'être acquise à comme le Cher avec la liste emmenée par Jean Paul Besset obtenant 11,99% de voix malgré un taux d'abstention de prés de 60% met en lumière la nécessité de ce rassemblement comparé aux précédents scrutins européens de 2004% où Les Verts avaient obtenus 7,69% soit 6 siégeas d'euro-députés. En 2007 lors des élections présidentielles, Dominique Voynet alors désignée candidate avait fait 1,57% des suffrages, cela confirmé la nécessité d'apporter un projet politique ambitieux face aux changements de notre modèle de société individualiste qui conduit à cette crise structurelle globale, mondiale, laissant sur le bord de la route tous ceux à qui on a voulu faire croire à l'illusion de l'abondance, de l'illimité, du confort matériel sans retenue et occultant l'épuisement de notre planète, l'épuisement des ressources et la destruction exponentielle des écosystèmes.

 

Rejetant cette vision tout capitaliste, libéral, considérant la mondialisation par la lorgnette financière ne tenant pas compte les populations déjà si fragilisée par ces 30 dernières années.

 

A leurs créations il y'a déjà 25 ans, Les Verts ont toujours clairement dénoncés le gouffre dans les rapports Nord/Sud, le pillage économique des ressources naturelles des états les plus pauvres, ne profitant pas des richesses astronomiques engrangées par une minorité de puissant, faisant honteusement perdurer le néo-colonialisme des pays occidentaux.

 





L’exercice des responsabilités en 1997 : à la demande de Lionel Jospin, Dominique Voynet rentre au gouvernement. Joël reconnaît : « On est passé d’une culture d’opposition systématique à une culture de gestion, de capacité à négocier les choses. Et ce qu’on a pas vu, c’était la passoire à couleuvres qu’il fallait mettre en place ! » Voynet en a avalé en effet quelques unes, et de beau calibre, sur le nucléaire, les OGM ... Joël note : « On n’a pas réussi à imposer les choses ... Pour revenir sur le local, moi j’ai travaillé pendant deux ans avec un agent local de la CCI. L’idée c’était d’utiliser le potentiel du GIAT industrie pour réaliser des éoliennes de grandes tailles de manière à réutiliser le potentiel technologique existant. On avait bouclé le dossier. On avait réussi avec le ministère à caler les choses. Le tissu économique était un peu réticent parce qu’il ne voyait pas trop. Mais on avait réussi à convaincre certains, les outils financiers pour la conversion du site étaient presque mobilisés ... Bon. Après c’était de la gestion politique. Le projet s’est fait flinguer par l’intervention de l’un des conseillers de Gayssot qui a dit : "Bourges c’est de l’armement, c’est rien d’autre". On s’est toujours fait flinguer, à un moment donné, alors qu’on était prêt. »

Paradoxe de l’exercice des responsabilités politiques : l’une des actions réussies de Dominique Voynet, honnie des chasseurs, c’est la mise en place de la formation des gardes-chasses ! Le très grand regret de Joël Crotté, c’est que les Verts n’aient pas pu profiter de cette période où ils étaient aux responsabilités pour imposer le débat sur le problème de l’eau. « On aurait du s’imposer là-dessus, et puis savoir aussi un moment donné claquer la porte. » La récup’ En 1997, l’écologie était encore marquée à gauche. En 2007, Sarkozy démarre son mandat en proposant « un Grenelle de l’environnement ». Que faut-il en penser ? Pas de surprises : Joël ne se fait aucune illusion sur les volontés réelles du nouveau Président. Rien sur le programme des centrales nucléaires EPR, rien sur les OGM ni sur le programme autoroutier. « Tout ça, c’est de la com’. On connaît Sarkozy, il est très fort sur la com’ » Pour le candidat des Verts, rien n’avancera s’il n’y a pas une véritable volonté politique de porter au niveau qu’ils méritent les problèmes liés à l’environnement. Pour lui, seuls les Verts sont à même de porter ce mouvement et de proposer des projets concrets pour résoudre les problèmes. Il y a urgence. « Nous devons changer nos modes de vie et nos habitudes de fonctionnement d’ici dix ans si nous voulons laisser une planète vivable à nos enfants ».

Soit l’exemple des bio-carburants, élevés au rang de panacée par la Gauche alternative 2007 du Cher [1]. Il convient pourtant de modérer cet enthousiasme. Les bio-carburants sont coûteux en énergie, en engrais, et surtout en eau - qui est l’un des défis écologiques majeurs. Ils menacent aussi la biodiversité. Enfin les recherches sur les bio-carburants de seconde génération sont au point mort. « Moi je suis tenté de dire que c’est une belle arnaque médiatique » affirme Joël Crotté. « C’est un peu comme avec le nucléaire. On lance les gens (ici les agriculteurs) dans des entreprises gigantesques et qu’on ne maîtrise pas. » Parlons concret À l’opposé donc d’une certaine mouvance alter-mondialiste remplie de bonnes intentions mais parfois contradictoire, la renaissance politique du mouvement Vert passe pour Joël Crotté par un effort pour valoriser le sérieux d’un projet étayé sur une solide réflexion scientifique et politique, dans un souci de communication avec le public. « Nous devons être plus concrets, en appeler au bon sens, et viser des réalisations viables économiquement. » Rappeler les nécessités économiques, ce n’est pas verser à nouveau dans l’utopie d’une écologie transversale, au-dessus de la mêlée politique. L’écologie est marquée à gauche parce qu’elle remet en cause un modèle de développement éco-technique porté par le capitalisme. Localement, en témoignent les limites de l’action du maire de Bourges, ancien Ministre de l’environnement, qui en dépit de sa culture environnementale solide n’a pas su porter ses projets et donner du poids à ses décisions. Serge Lepeltier a des idées certes, mais il est incapable de les décliner dans la pratique. Et Joël d’égrener quelques exemples savoureux : les photocopieuses de la mairie de Bourges qui n’acceptent pas le papier recyclé, les nouveaux ateliers municipaux que l’on a « oublié » d’équiper de panneaux solaires ou de dispositifs pour récupérer l’eau, la vacuité du dossier environnement dans la politique de renouvellement urbain, l’absence d’une vraie politique d’éducation à l’environnement... Bref, « il gère sa ville comme un bon bourgeois de droite, avec sa république de copains ... il a négocié x ronds points, et en même temps on a jamais eu de réflexion d’ensemble sur les déplacements des gens... » A t-il plus d’espoir de faire vivre le projet écologiste si un jour les socialistes prenaient la mairie ? Joël reste sceptique : « Je ne suis pas sûr qu’ils nous donneraient l’urbanisme ou l’environnement. Ils nous donneraient peut-être les espaces verts » note t-il non sans humour. Bref, il ne faut compter que sur ses propres forces ; l’enjeu des législatives est donc bien de faire un bon score pour monter une liste pour les municipales et pouvoir négocier dans de bonnes conditions entre les deux tours. « Nous on veut bien discuter. Mais il ne faut pas que ce soit au coin d’un bar une nuit à la bougie. Non il faut que les choses soient claires et les débats ouverts. » Pour l’échéance immédiate, les législatives, les négociations achoppent avec Yann Galut autour du moratoire sur les centrales nucléaire EPR dont le PS ne veut pas entendre parler ... Les problèmes pour le Cher Nous passons aux grands dossiers environnementaux du moment qui occupent les écologistes du Cher. Joël Crotté évoque d’abord le problème de l’autoroute Bourges-Auxerre qui fournit en même temps une excellente occasion d’envisager la nouvelle manière de prendre les problèmes et de communiquer avec la population : « Finalement, demande Joël, une autoroute qu’est-ce que c’est ? C’est un axe qui relie un point à un autre, qui n’a aucune irrigation sur le territoire qu’il traverse. On préférerait, nous, des axes routiers certes un peu sécurisés comme en Bretagne, mais qui irriguent l’ensemble du territoire. Les gens peuvent comprendre ça, tout comme ils peuvent comprendre qu’une autoroute classique va drainer beaucoup de routiers, mais qu’elle va aussi drainer de la pollution... Sur l’axe Bourges-Auxerre qui est en discussion, c’est ce discours qu’on essaie maintenant de tenir aux gens avec les copains de Bourgogne. En précisant aussi que l’apport économique pour les pays de l’est, l’Allemagne, est réel, mais qu’il est quasi inexistant pour les régions traversées. » Joël mentionne aussi le problème des carrières de Saint-Saturnin, et l’impact de leur développement sur l’environnement. Mais LE grand sujet, c’est l’eau. Là aussi, on peut mettre en place des mesures de bon sens. Joël évoque l’initiative de Roger Ledoux, maire de Parassy, autre leader des Verts sur le Cher, qui consiste à rendre obligatoire l’installation de récupérateurs d’eau sur toute nouvelle maison construite. Il y a ces solutions rationnelles, et puis aussi des actions politiques de fond, avec la nécessité de réexaminer des textes obsolètes. Est-il logique d’imposer d’utiliser de l’eau traitée pour les chasses d’eau, sous prétexte qu’un texte de la DASS protège les enfants qui pourraient la boire par inadvertance ? Enfin, il faut repenser la politique agricole. Les solutions aux problèmes de l’environnement passeront d’abord par la mise en place de mesures de bon sens.
Elles sont nombreuses : de l’utilisation d’ampoules basse consommation, qui, si elles étaient imposées dans toutes les administrations pourraient faire faire l’économie de deux centrales nucléaires, à la réhabilitation d’activités économiques ou agricoles délaissées comme la culture du chanvre par exemple, plante aux qualités multiples et respectueuse de l’environnement, et qui, à Bourges, fournissait dans le passé les fabriques de cordes de Rochefort. Les solutions passeront surtout par une vision politique d’ensemble qui place l’environnement et la qualité de la vie au cœur des préoccupations des responsables. L’écologie est un humanisme Les écologistes aiment la vie et aiment les gens. L’écologie, finalement est un humanisme.

On sent, à écouter le témoignage de Joël Crotté sur son engagement militant, toute l’importance de l’amitié dans cette aventure. Dimanche soir, ce sera soirée électorale chez Joël, autour de quelques flacons de vin « bio », celui qui réchauffe le cœur et redonne l’espoir. Ils seront tous là, les idéalistes et les pragmatiques, les jeunes et les moins jeunes, la quarantaine bien tassée pour certains, mais le cheveu parfois encore long, toujours pas taillé. Ils n’ont heureusement rien perdu de leurs rêves d’adolescents. Ils savent bien que sans rêves, « on n’est rien du tout », comme dit la chanson. Ou presque.



Article par Bombix, paru le dimanche 10 juin 200è dans L'Agitateur

 

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